Folmer : son parcours artistique

En 1911 il entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Nancy où il reçoit une formation pluridisciplinaire : dessin, peinture, sculpture, gravure sur bois et sur cuivre, architecture. Mais en 1914 il est fait prisonnier civil en Allemagne à Holzminden (lien) jusqu’en 1917 où il est libéré sur parole à Genève où il terminera ses études à l’Ecole des Beaux-Arts.

Un parcours initiatique chez le nabi Henri-Gabriel Ibels

Henri-Gabriel Ibels de profil, 1919

Cat. 97, La Clairière, 1920

En 1919, il s’installe à Paris et travaille à l’atelier théâtral d’Henri- Gabriel Ibels, personnalité du groupe des nabis avec Vuillard et Maurice Denis. Là, Folmer s’écarte de l’académisme pour s’impliquer dans la simplification stylistique (paysages de l’Ile d’Oléron 1920). Il poursuivra cette stylisation des formes dans ses créations de costumes de théâtre et sera marqué par la formule de Maurice Denis : « une surface plane recouverte de couleurs dans un certain ordre assemblé ». A cette époque Folmer travaille également les cloisonnés et les émaux.

Dès 1923, Folmer inaugure un cycle de déformation et de multiplication des points de vue ; il produit ainsi ses premières œuvres d’influence cubiste souvent inspirées de l’univers du théâtre ou du cirque.

De 1918 à 1927, il expose régulièrement ses œuvres à Nancy, galeries Mosser et Majorelle, à la Société Lorraine des Amis des Arts et au Musée de Mulhouse en 1927.

Une rencontre – Les théories des Maîtres

Couverture de « Vouloir », n°18, 1926, « organe constructif de littérature et d’art moderne ».

En 1926, il rencontre Félix Del Marle qui dirige la revue lilloise « Vouloir » et Lempereur, peintre musicaliste. C’est le début de l’initiation au néoplasticisme et à l’art abstrait. Folmer étudie les théories de Mondrian, Van Doesbourd, Vanttongerloo ; il dessine et peint alors ses premières oeuvres d’influence cubiste, souvent inspirées de l’univers du théâtre ou du cirque.

En 1932, sa deuxième grande rencontre est Auguste Herbin qui préside le mouvement Abstraction Création, nouveau creuset de l’Art géométrique qui prend la suite de Cercle et Carré, Association conduite par Michel Seuphor. Dans « le premier cercle d’Herbin » Folmer se liera d’une amitié durable avec  Jean Gorin et César Domela.

Du Nombre d’Or aux prémices de l’abstraction 1933 – 1939

Dès 1930, Folmer affirme sa manière cubiste, souvent ordonnancée par le Nombre d’Or. Il approfondit sa connaissance de la divine proportion avec son ami peintre et mathématicien Dimitri Viener, lui-même élève de Matila Ghyka. Folmer s’instruit également des polyèdres ; ce travail lui démontre la puissance des volumes.

La jeune fille et la mort, 1930

En 1935, Folmer participe au Premier Salon d’Art Mural à Paris, aux côtés de Gleizes, Kandinsky, Gorin…
La même année il s’installe à « La Ruche » au « Coin des Princes » cf. « La Ruche, cité d’artistes » de Sylvie Buisson et Martine Frésia Edit. Altenatives «L’exception Folmer» p.109

En 1937,  Pour l’Exposition universelle de 1937, l’Etat commande à Folmer une œuvre pour le Pavillon de la Ville de Paris : « Jupiter lançant la foudre ». L’œuvre se doit d’être classique, mais elle est très stylisée et de réminiscence cubiste. Toutefois dans l’atelier, les œuvres de Folmer abandonnent peu à peu la représentation du sujet : il chemine vers l’abstraction qu’il aborde avec des dessins au crayon, à la sanguine, à l’encre avec des apports de matière : enduit, sable, coquille d’œufs pilée.

Vers une abstraction géométrique pure

En 1939, fondation par Nelly Van Doesburg et Frédo Sides du Groupe Renaissance Plastique. Folmer, selon René Massat, participe à l’exposition internationale d’abstraction organisée par ce Groupe à la galerie Charpentier à Paris ; en fait cette manifestation sera l’avant-première du Salon des Réalités Nouvelles. Ce foisonnement soude une amitié durable entre Folmer, Del Marle, Gorin, Beothy, Servanes.

En 1941-1942 ce sont des années de maturité dans l’orientation de la création de Folmer : les œuvres abstraites précédentes, dessins ou peintures étaient marquées par un travail de la matière et une superposition des techniques, à présent la géométrisation s’accentue et les aplats sont lissés. Mais ce qui va marquer cette période ce sont :

Construction spatiale polychrome, 1951, musée de Grenoble.

  • La création des bois polychromes – acquisitions des Musées de Grenoble en 1988 et de Nancy en 1993-. La poursuite des encres-monotypes, ou encre et gouache avec des rehauts de crayon ou de sanguine. Il les réalise avec des brosses et des rouleaux de sa fabrication propre.
  • Symphonie harmonique, 1941 – 1942, MNAM Centre Pompidou Paris.

    La référence au Nombre d’Or « Symphonie harmonique » (acquise en 1947 par le MNAM de Paris, aujourd’hui au Centre Pompidou. Encyclopédie Larousse Méthodique Tome II p.97) qui règle la construction géométrique de Folmer.

  • En 1945, Frédo Sides réunit les anciens de la galerie Charpentier et fonde la nouvelle association dite « Salon des Réalités Nouvelles ». Folmer y participe étroitement : le salon est dédié exclusivement à l’art abstrait. La première édition a lieu en 1946.

Le foisonnement : « Réalités Nouvelles » – « Groupe Espace » – Colette Allendy

En 1948, Folmer signe le manifeste du salon des Réalités Nouvelles qui s’insurge contre l’élimination systématique des œuvres abstraites de toute exposition officielle. Folmer fait partie du noyau dur, au côté de Del Marle, qui se réunit « au café de la Boule d’Or » à Paris, pour débattre de l’intégration de l’abstraction dans l’environnement quotidien et dans l’architecture. En 1949, ces débats les amènent avec Gorin, Beothy et Servanes à poser les fondations du Groupe ESPACE.

En 1950, mise en place par Del Marle et Folmer d’une salle « Espace » au salon des Réalités Nouvelles. Exposition personnelle de Folmer chez Colette Allendy, seule galerie avec Denise René à défendre l’abstraction. Il y reçoit les félicitations de Seuphor « La sculpture de ce siècle » de Michel Seuphor : Folmer p.134.

En 1951, Folmer signe le manifeste du groupe ESPACE (cf. Musée des Années 30 à Boulogne-Billancourt) et en devient membre actif avec Sonia Delaunay, Walter Gropius, Fernand Leger, Jean Gorin, Léo Breuer, Aurélie Nemours, Jean Arp. L’art construit est fondé sur le seul rapport forme/couleur. Folmer expose à nouveau chez Colette Allendy.

Construction spatiale polychrome, 1951, musée de Grenoble.

En 1952, il est chargé par la Fondation ESPACE de l’aménagement mobilier à la Cité Universitaire de Paris, maison de la Tunisie. Au Salon des Réalités Nouvelles, Folmer est nommé par Herbin responsable des salles de la section « abstraction géométrique ». Seuphor qualifie Folmer de « tenace constructeur ». Folmer est devenu un des principaux acteurs de la scène artistique de l’abstraction géométrique. 1953 est une année de troubles : après la mort de Del Marle, Folmer, Gorin, Servanes démissionnent du Groupe ESPACE dont, disent-ils, les arguments initiaux ont été détournés de l’objectif de : synthèse des arts

Jusqu’en 1956, Folmer, avec la confiance de Herbin, défend et développe avec une belle

Composition 1950, 1950

résonance l’abstraction-géométrique. Les critiques d’art : Ragon, Boudailles, Riviere et R.V. Gindertaël s’en font l’écho. Mais au départ de Herbin, qui demeure Président d’honneur du Salon, les « tachistes » puis « les informels » s’opposent aux « constructivistes ». Folmer est nommé Secrétaire Général du Salon des Réalités Nouvelles et défend ses salles « constructivistes ». Seuphor écrit « Folmer est un des piliers moraux du Salon ».

Annexes :

Tout à coup et comme par jeu, 1961 – 1962

1957, marque l’année où Folmer donne pour titre à ses tableaux un vers de Mallarmé. « Une fusion de l’abstraction poétique et plastique » selon René Massat.

1960 : Fondation du Groupe MESURE – Période cinétique

Tableau-relief, 1964

Roto-peinture aux triangles, 1961

En 1959-1960, malgré sa défense ardente de la « section géométrique » du Salon des Réalités Nouvelles, Folmer voit ses linéaires de cimaises réduits. Il décide alors de regrouper « tous les géométriques » ceux des Réalités Nouvelles et ceux qui se reconnaîtront comme tels, au sein du Groupe MESURE qu’il fonde et préside en 1960, ayant à ses côtés Jean Gorin comme vice-président. On compte parmi eux : Aurélie Nemours, Léo Breuer, Marcelle Cahn, Marino Di Teana, Francis Pellerin.
C’est à partir de ces mêmes années que Folmer introduit le mouvement dans ses créations : c’est la période cinétique : roto-peinture, roto-corps, tableaux relief.

De 1961 à 1965, MESURE ouvre un cycle d’expositions en France, au Musée des Beaux-arts de Rennes et en Allemagne :

Ludwigshafen, Francfort, Brême, Witten, Kaiserslautern…Folmer donne des conférences, plaidant pour l’introduction de l’Abstraction à l’architecture et aux domaines connexes, ouvrant ainsi leur idéal de synthèse des Arts. En 1961, Folmer est élu consultant à l’AFCC (Association Française des Coloristes Conseils). Il fait deux grandes expositions personnelles à Paris : l’une à la galerie Hautefeuille dirigée par Hélène Pillement, l’autre chez Raymonde Cazenave où il montre ses travaux cinétiques (roto-peintures, tableaux reliefs).

Encre de Folmer, 1950 (Cat. 516), choisi pour l’exposition de groupe Mesure au musée des Beaux-Arts de Rennes en 1961

En 1967, Folmer organise avec Denise René une exposition de groupe importante à Toulouse. Il travaille des cartons de mosaïque et en réalise dans des bâtiments à Paris, Alfortville et Metz. L’exécution est faite par Melano, Leoni, ses voisins de « La Ruche » et mosaïstes de Léger et de Chagall.

Cat. 912, 1967, Paris

En 1968 il se retire de ses fonctions au salon des Réalités Nouvelles pour raisons de santé ; à cela s’ajoute l’expropriation de son atelier, pour destruction d’une partie de « La Ruche », il s’établit sur les bords du Rhin, en Allemagne. Là, il travaille les encres-monotype, des nouveaux cartons de mosaïques et des maquettes cinétiques.

En 1969 il expose ses dessins chez Landwerlin à Strasbourg.

En 1973, le Salon des Réalités Nouvelles organise son Jubilé, la préface du catalogue est signée par Roger Van Gindertael. Trois acquisitions marquantes de 1971 à 1973 par la Ville de Paris : « Que la vitre soit l’Art », par le ministère de La Culture : « Appel 1958 » par le Musée National d’Art Moderne de Paris : « J’ai de mon rêve épars connu la nudité ».

En 1977, mort de Folmer à Neumuhl en Allemagne.

De 1939 à 1973 on peut dire que Folmer aura exploré les plus grandes voies offertes par la géométrie pour réaliser ses créations sculpturales ou picturales, justifiant ainsi sa personnalité reconnue d’artiste abstrait-géométrique :

  • géométrie du nombre d’or dans le travail cubiste, puis dans l’abstraction
  • géométrie dans les dessins avec les encres-monotypes et les gouaches
  • géométrie dans les volumes avec les bois polychromes
  • géométrie dans les grands aplats des peintures constructivistes
  • géométrie dans les reliefs avec les tableaux reliefs, ou tableaux-grilles
  • géométrie cinétique dans les roto-peintures
  • géométrie pour les mosaïques dans l’architecture.